Colloque de Paris 2025

45e colloque du Centre de Recherche et d’Échanges sur la Diffusion et l’Inculturation du Christianisme (CREDIC) 

Les nouvelles mobilités missionnaires

Paris (France), Institut catholique de Paris

26-28 novembre 2025

En association avec la revue Spiritus et l'Institut catholique de Paris


Appel à communications

La mission chrétienne, dès ses origines, se présente comme une mise en mouvement des principes de son fondateur, appelant ses disciples à aller instruire les nations, les baptiser et leur apprendre à garder son enseignement. Des Pères de l’Église aux fondateurs des Missions modernes, tant catholiques, anglicanes que protestantes, la Great Commission inspirée de la finale de l’Évangile de Matthieu (chap. 28, 16 à 20) a été le viatique de la mission chrétienne.

Dès l’origine également, la mission s’est dotée d’agents propagateurs, dont l’appellation « missionnaires » a fait l’unanimité depuis que la croyance légendaire ancienne en une Divisio Apostolorum selon laquelle les apôtres bibliques auraient eux-mêmes atteint toutes les parties du monde, s’est imposée comme modèle jusqu’à la fin de l’époque moderne. 

La mobilité est donc consubstantielle de la mission chrétienne, et chaque fois qu’elle fut empêchée de se déployer, par une autre religion, une opposition politique, ou encore une idéologie jugée anti-chrétienne, des stratégies de contournement de ces obstacles furent théorisées et appliquées dans un contexte conflictuel entre Missions, Nations et conceptions concurrentes.

La période contemporaine marquée par le Réveil/Renouveau religieux sous l’influence du romantisme a relancé le mouvement missionnaire tantôt s’alliant, tantôt s’opposant avec la colonisation européenne. Dès lors, la mobilité missionnaire s’est à la fois renforcée et figée dans le sens « Nord-Sud ». Ayant constaté que de nombreuses parties du monde n’avaient pas été atteintes par l’Évangile, de très nombreux(ses) missionnaires venu(e)s d’Europe et d’Amérique du Nord ont alors été mobilisée(e)s par des Congrégations catholiques et de Sociétés missionnaires protestantes, créées à cet effet pour redéployer la mission chrétienne dans le monde dit « non chrétien ».

Ce modèle a été dominant jusqu’à ce que les pays dits « de mission » accèdent à l’indépendance politique alors que, dans un mouvement conjoint, les Églises catholiques, anglicanes et protestantes ont accédé à l’autonomie et sont entrées dans le mouvement mondial d’ecclésification de la mission, selon une dynamique impulsée par le Conseil œcuménique des Églises, à l’Assemblée mondiale de New-Dehli en 1961, d’un côté, et au Concile Vatican II en 1962-1965, de l’autre.

La mobilité Nord-Sud de la mission a été contestée à la fin de l’époque coloniale avec ses remous géopolitiques, comme étant marquée par un modèle de domination et de conquête. Mais dès lors que le mouvement missionnaire ne s’est pas éteint à la période post-coloniale, il s’est transformé selon une double perspective mondiale et locale, et un mot d’ordre a surgi dans les années 1960 pour exprimer cette nouvelle mobilité : « la mission de partout vers partout ». 

Il est utile de rappeler cependant que le modèle de « projection » décrit ci-dessus n’est pas l’unique manière de penser et de réaliser la mission de l’Église. Nous pouvons également envisager la mission selon le mode de l’« attraction » qui remonte également au fondateur du christianisme, attirant/appelant à lui des foules (Matthieu 11, 28 à 30). Aussi la mobilité « missionnaire » ne se réduit pas aux déplacements des « professionnels » de la mission. Le modèle d’attraction est particulièrement en œuvre dans le monde orthodoxe. Le phénomène des migrations (économique, refuge) appartient aussi à la mobilité missionnaire. Le missionnaire est alors celui qui accueille le « missionné » en migration. L’hospitalité assume ainsi une dimension missionnaire dans la mesure où elle attire à elle celui qui est en mouvement.

L’objectif de ce colloque du CREDIC, en association avec l’Institut Catholique de Paris (ICP) – à travers l’Institut de Science et de Théologie des Religions (ISTR) et l’Institut d’Histoire des Missions (IHM) – et la Revue d’expériences et de recherches missionnaires, Spiritus, est d’explorer les nouvelles mobilités missionnaires dans toutes leurs dimensions, selon les cinq axes suivants inspirés de quelques slogans, mots d’ordre et autres formules chocs.


Axes de communications 

1 – « Faire du neuf avec du vieux » 

De nouvelles formes de continuation ou de diversification de la mission Nord-Sud, apparaissent dans les années 1960, à travers la coopération (création de la Représentation des Églises protestantes outre-mer auprès des Ministères français-REPOUM en 1964 du côté protestant, et de la Délégation Catholique à la Coopération-DCC en 1967 du côté catholique, pour envoyer des Volontaires du Service National dans les Œuvres des Église), l’aide au développement, et toute autre forme de solidarité internationale (Caritas international), etc.

S’agit-il encore de mission, ou avons-nous affaire à d’autres types d’actions Nord-Sud ? 


2 – « Être ensemble en mission »

Au moment où la forme traditionnelle de la mission Nord-Sud s’achève, des perspectives de mission commune entre les nouveaux « missionnés » et les anciens « missionnaires » sont apparues en forgeant de nouveaux concepts porteurs de nouvelles pratiques : « Action apostolique commune », « équipes missionnaires multiraciales », du côté protestant, « nouvelle évangélisation » du côté catholique, etc. 

S’agit-il d’expériences conjoncturelles symboliques ou d’émergences de pratiques viables et donc durables ?


3 – « La mission inversée ? » 

Le phénomène migratoire, lié notamment aux indépendances, a conduit, pour des raisons politiques ou économiques connues, de nombreux membres des nouvelles Églises du Sud (désignée pendant un certain temps « jeunes Églises ») à émigrer en Europe et en Amérique du Nord. Ces chrétiens ont constitué des Églises dont certaines ont pu prendre des formes ethniques. Certaines d’entre elles sont indépendantes, d’autres sont reliées à leur Église d’origine, d’autres encore s’intègrent aux structures ecclésiales des pays d’accueil. La plupart témoignent d’un grand dynamisme nécessaire à l’accompagnement de leurs ressortissants, et sont quelquefois porteuses d’ouverture interculturelle vis-à-vis des ressortissants des pays d’accueil. L’Europe dite « chrétienne » n’a pas échappé pas à cette « inversion », dès avant l’immigration, en 1943, avec l’ouvrage La France pays de mission, d’Henri Godin et Yvan Daniel sous la poussée du mouvement des prêtres ouvriers : une évangélisation du milieu par le milieu pouvant être modifiée par la présence de nouveaux acteurs évangélisateurs venus d’ailleurs.

Avons-nous affaire à de nouveaux « projets missionnaires » et/ou à de nouveaux « refuges identitaires » et dans le cas de l’Europe à une nostalgie d’« une chrétienté perdue » ?


4 – « Une Église qui n’est pas missionnaire est une Église dé-missionnaire »

Le processus d’autonomisation des Églises nées de la mission s’accompagne de celui de l’intégration de la mission dans l’Église, notion traduite aussi par ecclésification de la mission ; intégration, tant dans les Églises du Sud que dans celles du Nord, toutes appelées à être désormais elles-mêmes missionnaires en ne déléguant plus cette tâche à d’autres – les missionnaires – mais en missionarisant leurs ministères, prêtres et pasteurs, religieuses et religieux, mais également d’autres ministères… à l’exemple de l’Encyclique Fidei Donum de 1957 grâce auquel un prêtre diocésain peut être mis à disposition d’une Mission et d’une autre Église tout en restant attaché à son diocèse d’origine et y revenir.

Les autres confessions ont-elles également conçu des mises à disposition contractuelles de leurs ministres à d’autres Églises que les leurs ?  


5 – « La mission de partout vers partout » et « Figures d’avenir »

Ces nouvelles mobilités peuvent donner le sentiment d’une dérégulation d’un système rôdé depuis deux siècles (et même plus, si l’on remonte au-delà de la période contemporaine). En effet, une certaine opinion publique éprouve ces nouvelles mobilités comme une « perte de sens de la mission », comme si le modèle Nord-Sud était le seul valable ! La réflexion missiologique, à l’aide des sciences sociales et de la recherche théologique, constate au contraire qu’en diversifiant sa mobilité géographique et culturelle, la mission retrouve son sens originel d’une mission universelle mondialisée. C’est ainsi que non seulement le mouvement ne s’arrêtera pas mais s’amplifiera à travers l’émergence de missions « sud-sud » et « nord-nord ». Cette réflexion commence à irriguer les Églises : au Conseil Œcuménique des Églises à travers son Assemblée mondiale de New-Dehli sur le thème « Jésus-Christ lumière du monde » (1961) et la Conférence mondiale de sa Commission Mission-Évangélisation de Mexico sur le thème « La mission dans six continents » (1963) ; au Concile de Vatican II, à travers l’encyclique Ecclesiam Suam (6 août 1964) et le décret Ad Gentes (7 décembre 1965).

Est-il envisageable d’esquisser une typologie de ces nouvelles mobilités missionnaires en s’interrogeant sur leurs fondements missiologiques incluant également une réflexion sur les mobilités sémantiques de la mission ?


Direction scientifique

Corinne VALASIK, Professeure extraordinaire, Maîtresse de conférences en sociologie, Doyenne honoraire, UR « Religion, Culture et Société » (EA 7403) Institut Catholique de Paris, Membre du Groupe Sociétés, Religions et Laïcité (GSRL-UMR 8582) CNRS/EPHE-PSL : c.valasik[at]icp.fr

Jean-Claude ANGOULA, Docteur en théologie et docteur en sociologie, Enseignant au Theologicum de l’Institut catholique de Paris, Directeur de la revue Spiritus : angoulajc[at]yahoo.fr

Jean-François ZORN, professeur honoraire d’histoire contemporaine de l’institut protestant de théologie : jeanfrancois.zorn[at]orange.fr


Modalités

Les chercheurs/chercheuses se sentant concernés par la problématique des « nouvelles mobilités missionnaires » peuvent adresser une proposition de communication, avant le 15 mai 2025, aux directeurs scientifiques du colloque.

Elle sera rédigée en une page avec un titre, une problématisation relevant d’un des cinq axes indiqués ci-dessus et une courte bibliographie. Sont attendues des propositions venant de toutes les disciplines faisant état d’un intérêt sur les dynamiques sociales dans lesquelles s’inscrivent les nouvelles mobilités missionnaires.

Les communications données de préférence sur le mode présentiel pendant le colloque ont une durée de 30 minutes maximum et peuvent être accompagnées d’un diaporama. 

Un Comité scientifique évaluera les propositions d’ici le 30 juin 2025.

Les intervenants sont dispensés de frais d’inscription, les autres frais restant à leur charge.


Éléments de bibliographie

« Actrices et acteurs d’origines diverses dans l’Église catholique », Dossier de la revue Lumen Vitae, octobre-décembre 2023 – 4, vol. LXXVIII.

Francis Barbey, Africain, prêtre et missionnaire en France, Paris, L’Harmattan, 2010.

Alphonse Borras, « Ces prêtres venus d’ailleurs. Une réalité complexe, un dossier délicat », dans Prêtres diocésains, n°1443, p. 283-296, août-septembre 2007.

Maurice Cheza, Monique Costermans et Jean Pirotte (dir.), Nouvelles voies de la mission 1950-1980, Actes de la XVIIIe session du CREDIC, Lyon, Centre Vincent Lebbe, AFOM, CREDIC, 1999.

Bernardo Colmenares Gómez (éd.), Nouveaux visages de la mission. Du « sens unique » à l’échange entre Églises locales, Paris, Karthala, 2016.

Geneviève Comeau et Jean-François Zorn (dir.), Appel à témoins. Mutations sociales et avenir de la mission chrétienne, Paris, Cerf, 2004.

« Des prêtres venus d’ailleurs », Dossier de Spiritus, n° 199, juin 2010, p. 155-218.

Carine Dujardin & Claude Prudhomme (eds.), Mission & Science. Missiology revised/Missiologie revisitée 1850-1940, Leuven University Press, 2015.

Robert Dumont (éd.), La France pays de mission ? suivi de La religion est perdue à Paris, Textes et interrogations pour aujourd’hui, Paris, Karthala, 2004.  

Jean-Georges Gantenbein, Mission en Europe. Une étude missiologique pour le XXIe siècle, Münster, Aschendorff, 2016.

Sandra Giton, « La vie interculturelle, un appel à la conversion », dans Lumen Vitae, 2015/4, vol. LXX, p. 429-444.

Arnaud Join-Lambert, « Les prêtres venus d’ailleurs dans les diocèses en Occident. Une mutation pastorale et ecclésiologique complexe », dans Marc Pelchat (dir.), Réinventer la paroisse, Paris, MédiasPaul, 2015.

K. Kim, K. Jorgensen et A. Fitcheett-Climenhaga (éd.), The Oxford Handbook of Mission Studies, Oxford, Oxford University Press, 2022.

Luc Lalire, « Passage d’une Église locale à une autre », dans Prêtres diocésains, n°1432, p. 215-238, mai-juillet 2006.

« La Mission en France des années 1930 aux années 1970, Nouvelles approches », Dossier de la revue Histoire & Missions Chrétiennes, n° 9, mars 2009.

« Les convertis, avenir de la religion ? », Dossier de la revue Esprit, n°404, p. 15-78, mai 2014.

« Monde rural, un nouveau lieu de la mission », Dossier de la revue Perspectives Missionnaires, n°79, 2020.

« Partir en Amérique latine : le CEFAL et les prêtres Fidei donum », dans Documents Épiscopat, 6, décembre 2023.

Serge Paugam, L’attachement social. Formes et fondements de la solidarité humaine, Paris, Seuil, 2023.

Jacob Rogozinski, Inhospitalité, Paris, Cerf, 2024.

Marc Spindler et Annie Lenoble-Bart (dir.), Chrétiens d’outre-mer en Europe. Un autre visage de l’immigration, Actes de la XIXe session du CREDIC, Paris, Karthala, 2000.

Une Église se lève. Figures d’avenir, Mélanges offerts au professeur Henri Derroitte, Éditions jésuites, Novalis, 2024.

Corinne Valasik, « Allers et retours. Des missionnés peuvent-ils devenir missionnaires en France au XXIe siècle ? » dans Claire Kaczmarek et Claude Prudhomme (dir.), Professions missionnaires, Vocations, transferts, expérimentations, inventions (XIXe-XXIe siècles, Actes de la XXXIVe session du CREDIC, p. 111-123, Paris Karthala, 2023.

Gilles Vidal, « La théologie interculturelle : origine et évolution d’une réalité encore à construire », Foi & Vie, Cahier d’études missiologiques et interculturelles, 126 (4), pp. 7-15. <hal-04632860>.

Pascal Wintzer, Essayer d’autres chemins. L’Église, la mission et les prêtres en France, Paris, Salvator, 2020.