Appel à communication du colloque 2014

35e colloque du Centre de Recherche et d’Échanges sur la Diffusion et l’Inculturation du Christianisme (CREDIC)

Université de Nantes, du mardi 26 août 2014 à 17h au samedi 30 août à 12h

avec la collaboration du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA)

Jeux et enjeux identitaires des acteurs de la mission.

(XIXe-XXIe siècles)

Appel à communication

Le thème des identités, omniprésent dans la recherche en sciences sociales depuis des décennies, demeure discret dans les études sur le fait missionnaire[1]. Trop souvent, les acteurs de la mission sont présentés en suivant un stéréotype commun à toutes les époques et présent sur tous les terrains de l’évangélisation. La christianisation s’en trouve dès lors réduite à l’expression duale de la rencontre entre missionnaires et missionnés. Or, la complexité de la situation locale n’est pas seulement justifiée par ce face-à-face. Les interactions produites par le travail apostolique (évangélisation, catéchisation, éducation, médecine, artisanat, etc.) sont d’abord le fait de la mise en présence d’acteurs missionnaires qui, investis d’une même fonction, n’en demeurent pas moins porteurs de subjectivités plurielles.

En s’intéressant aux jeux et aux enjeux identitaires des acteurs de la mission ce sont les multiples facettes de personnages aux trajectoires complexes qui peuvent être analysées. Penser les identités au pluriel revient à aborder ce concept dans sa dimension dynamique. Il s’agira d’observer la construction et les articulations de diverses subjectivités (nationales, régionales, sociales, etc.) pour comprendre les multiples imbrications identitaires qui s’organisent en rapport à une référence missionnaire a priori commune.

L’appréhension de ces identités composites doit passer par l’examen des terrains. En fonction des tâches assignées, des pays évangélisés, de la langue utilisée, etc., les missionnaires sont amenés à intégrer différentes identités. Certaines affinités sont occultées, d’autres sont mises en avant ou retravaillées afin de satisfaire des objectifs personnels ou vocationnels. Le jeu identitaire de chaque individu peut alors s’adapter ou s’opposer aux enjeux portés par le projet apostolique commun.

Cette étude de l’intime permet de reprendre, sous un nouvel angle, les sources habituellement utilisées : correspondances, journaux de bord, carnets de voyages, récits de vie, études prosopographiques, etc. La thématique des identités, propice à l’analyse pluridisciplinaire, invite à croiser les approches historiques, anthropologiques, sociologiques, missiologiques, voire littéraires et psychologiques.

Axe 1. La complexité des personnalités missionnaires

- Quelle est l’influence du milieu d’origine, de la nationalité, de la trajectoire éducative, de l’appartenance confessionnelle et de la spiritualité, de la formation et du parcours missionnaires dans la construction des individualités ?

- Le fait de se sentir ou d’être désigné comme missionnaire renvoie à la construction de normes, de projections et de procédures d’intériorisation faisant intervenir institutions, regard de l’Autre, représentations personnelles et religieuses. Le processus d’attribution et d’inculcation de ces identités doit être observé afin de proposer des limites, intrinsèquement fluctuantes, à la catégorie « missionnaire ».

- Le jeu identitaire autorise, en fonction des situations, la mise en avant ou en retrait de l’aspect missionnaire. En comprendre les modalités doit permettre d’éclairer d’éventuelles « stratégies identitaires »[2].

Axe 2. Jeux identitaires et collectifs missionnaires

Comprendre la construction des personnalités permet de mettre en lumière les interactions vécues au sein des équipes apostoliques. En quels termes, les identités singulières ou partagées des missionnaires peuvent influencer la constitution des communautés ?

Pour mesurer les variations identitaires au sein des collectifs missionnaires, les critères familiaux, régionaux, nationaux, culturels, dénominationnels et confessionnels, mais aussi les rapports de genre, de génération, de hiérarchie, peuvent être étudiés comme autant de nuances permettant de définir des communautés qui s’opposent ou se complètent, qui interagissent et se répondent.

Axe 3. Évolutions, comparaisons et interactions

L’identité est relationnelle et varie selon le rapport au monde. Comment les conjonctures et les expériences modifient-elles les affinités missionnaires ?

- Le contexte géopolitique, les changements sociaux et les évolutions théologiques et missiologiques doivent être étudiées pour comprendre les transformations du charisme des congrégations ou sociétés, des sensibilités individuelles et leur interaction.

- Des comparaisons peuvent s’établir entre des époques différentes – y compris moderne et contemporaine –, entre des espaces continentaux et des ensembles régionaux, mais aussi entre institutions religieuses.

- Les identités missionnaires se modifient au contact des populations rencontrées. Des situations d’incompatibilités peuvent être mises en lumière lorsque les identités importées suscitent rejet et incompréhension sur le terrain d’évangélisation. En outre, les expériences missionnaires étant singulières d’une région à une autre, des situations de concurrence identitaire entre évangélisateurs peuvent être observées.

- L’appropriation d’identités extra-locales concerne également les acteurs « indigènes » de l’évangélisation. Les transferts culturels suscités par le modèle missionnaire européen peuvent être pris en compte pour comprendre la formation des identités des évangélisateurs autochtones.

Modalités de soumission des communications :

Vous êtes invités à envoyer, avant le 1er mars 2014, vos propositions de communication, en langue française, à Bernard Salvaing et Jean-Marie Bouron.

Ces propositions, sous la forme d’un résumé de 300 mots maximum, doivent mentionner le nom et le prénom de l’auteur, l’institution de rattachement, une adresse électronique et 5 mots-clés.

Après examen par le Comité scientifique et d’organisation, une réponse sera adressée au cours de la seconde quinzaine du mois de mars.

Comité scientifique et d’organisation :

Jean-Marie Bouron (directeur scientifique)

Bernard Salvaing (directeur scientifique)

Jean-François Zorn (organisation)

Bernadette Truchet (organisation)

Annie Bart (organisation)

Quelques indications bibliographiques :

Bradford Tolly, Prophetic Identities. Indigenous Missionaries on British Colonial Frontiers, 1850-75, Vancouver, UBC Press, 2012.

Clymer Kenton J., Protestant missionaries in the Philippines, 1898-1916 : an inquiry into the American colonial mentality, Urbana, University of Illinois Press, 1986.

Dogan Mehmet Ali & Sharkey Heather (ed.), American Missionaries and the Middle East : Foundational Encounters, Salt Lake City, University of Utah Press, 2011.

Miescher Stephan F., « The life histories of Boakye Yiadom. Exploring the subjectivity and “voices” of a teacher-catechist in colonial Ghana » in Louise White, Stephan F. Miescher & David William Cohen, African Words, African Voice. Critical Practices in Oral History, Indianapolis, Indiana University Press, 2001, p. 162-193.

Neff Richard Alexandre, Evangéliques en réseau : trajectoires identitaires entre la France et les Etats-Unis, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2013.

Paisant Chantal (dir.), La mission en textes et images, XVIe-XXe siècles, Paris, Karthala, Collection Mémoire d’Églises, 2004.

[1] En-dehors de l’étude du « charisme » des Sociétés missionnaires, quelques thèses sur l’évangélisation ont évoqué par le biais prosopographique la diversité des acteurs de la mission. Du côté anglophone, quelques travaux portent spécifiquement sur la pluralité des identités missionnaires.

[2] Carmel Camilleri et alii, Stratégies identitaires, Paris, PUF, 1990.