Geneviève Lecuir-Nemo

(1941-2023 )

Par Pascale Cornuel

Geneviève naît à Avranches en 1941. Dans les années 60, elle est étudiante en lettres à la Sorbonne. Mais elle ne s'en tient pas là. Alors qu'elle est déjà une jeune mère de famille, elle entreprend de nouvelles études, en histoire cette fois.

C'est par la carrière de son mari, André Nemo, qu'elle se retrouve à Abidjan puis en Haute-Volta (Burkina Faso) et enfin au Sénégal. Là, elle devient professeur au lycée Jeanne d'Arc, le lycée des sœurs de Saint-Joseph de Cluny à Dakar, une professeur appréciée de ses élèves et de ses collègues. 

C'est là qu'elle se lance avec courage en ajoutant à la famille et le lycée, un travail de thèse dont nous savons tous ce qu'il exige d'engagement.

Elle l'effectue sous la direction de Jean Boulègue, le grand spécialiste des empires africains de l'Ouest de la période précoloniale. Elle la soutient brillamment en 1995. Elle paraît deux ans plus tard aux éditions du Septentrion. Je vous en livre le titre : Femmes et vocation missionnaire, permanence des congrégations féminines au Sénégal de 1819 à 1960 – adaptation ou mutations ? : Impact et insertion. 

C'est un titre un peu long mais Geneviève était soucieuse de précision. Surtout, elle faisait un travail véritablement pionnier dont vous devinez sans effort comme il a été précieux à ma propre recherche.

C'est l'époque pour elle des années CRÉDIC.

C'est ainsi qu'elle est devenue la spécialiste du rôle des ordres missionnaires féminins au Sénégal et l'auteure de la première thèse sur Anne-Marie Javouhey.

En l'an 2000, elle rentre en France avec André, son époux. Ils s'installent à Avranches dans la grande maison familiale. La retraite ne signifie pas pour elle l'arrêt de son activité scientifique, loin s'en faut. 

Elle signe une biographie d'Anne-Marie Javouhey Fondatrice de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny (1779-1851) qui paraît chez Karthala en 2001. Cette biographie fait date. Forte de nombreux fonds d'archives, elle est la première à sortir de l'hagiographie et aussi du cadre du colonialisme triomphant.

La même année, elle rédige pour le Dictionnaire œcuménique de Missiologie la notice "Femmes en mission". En 2009, ce sont trois articles pour l'ouvrage du GRIEM sur La mission au féminin, un livre copieux qui rassemble les témoignages de religieuses missionnaires du XIXe au début du XXe siècle. L'un de ces articles m'a été précieux pour ma communication de l'an passé. 

J'ajouterai à ces travaux qui nous sont familiers, d'autres publications liées à son engagement aux côtés de son mari, au sein de l’Association des Amis du Mont Saint Michel. On connaît peu cette facette du travail de Geneviève. Elle a signé une étude de l’Arlequin avranchinais en 1865, une sorte de Carnaval, et aussi un article sur le témoignage des carmélites d’Avranches durant la période de juin-août 44. Elle a également fait une conférence sur le juriste international Georges Scelle auquel elle était apparentée.

En 2012, elle est chevalier dans l'ordre des Palmes Académiques.

Pour la dernière fois en 2017, Geneviève a participé à nos travaux. Elle était déjà très fatiguée. 

Les membres du CRÉDIC saluent en elle la chercheuse pionnière en son domaine, une personne profondément généreuse et dans son sens le plus profond, aimable.


Sources :

Article de Ouest-France, 17/07/2012